mardi 30 septembre 2008

Le transfert traumatique

* Sujet en cours de construction *

Au sens s
trict « en psychanalyse, un transfert est le report plus ou moins direct d'un sentiment ou d'un vécu par l'analysé sur le psychanalyste ». Mais au sens large, on peut considérer le transfert comme le report d'un sentiment ou d'un vécu par le sujet sur n'importe quel acteur qui gravite autour de lui.

Par exemple, quand un traumatisé fugue, il fait vivre une forme de lâcheté à son entourage. Comme il a vécu l'inquiétude, que tout l'a lâché (inconstance de l'objet) il fait vivre l'inquiétude, la vigilance et l'inconstance à son entourage.


Dans une telle perspective, le sujet traumatisé reporte, sur l'Autre, ses sentiments et son propre vécu. Quand il reporte un vécu, il « fait vivre » à l'Autre. Se faisant, faisant vivre à l'Autre, il prend conscience de son propre vécu à travers l'Autre.

Comme l'enveloppe du sujet est fissurée, il arrive que ses contenus psychiques débordent sur son corps (troubles psychosomatiques tels que la fatigue, l'épuisement, l'apathie conséquents de la mobilisation des ressources psychiques et physiques) ou qu'il déborde sur l'Autre. Auquel cas l'Autre figure la scène de son dramatique spectacle traumatique, son trottoir. Le sujet traumatisé cherche contenance et résistance, sécurité, il cherche un subsitut maternel, une mère. L'autre est sa boîte à secrets dans laquelle il dépose ses vécus et ses sentiments, ses « démons ».


Comme la société dramatise et tourne l'événement traumatique en spectacle sans intégrer l'humour, elle en fait une scène grave. Il arrive que le sujet fasse vivre la gravité à l'Autre, par exemple en fuguant, tentant le suicide, etc. Parallèlement et paradoxalement, le sujet met en place des mécaniques dissociatives : il se dissocie du sérieux, du présent, de ses sentiments, etc. Au regard de cette mécanique, l'humoristique peut devenir un trait particulier du sujet traumatisé, moyen pour lui de jouer, de manquer de sérieux et de gravité, et de reporter sur l'autre lâcheté (quand on ne fait pas face, qu'on se dissocie du sérieux, qu'on donne dans la dérision). Il a déserté le sérieux. Le sujet signifie implicitement « face à l'événement traumatique et face à mon cas, on ne peut rien » : le face-à-face est disqualifié, la frontalité n'est pas de mise. En sa présence, on tournera autour du sujet traumatique sans jamais le pénétrer, sans même le toucher. Le sujet nous amène à « tisser autour » lâchement.

Jouant sur la mécanique du transfert et comptant sur le contre-transfert, le sujet tire sur la ficelle de l'inter-subjectivité. L'Autre est comme un pantin, pourtant il est désigné comme sujet. Et le traumatisé se désigne, dans cette optique, lui-même comme sujet, il signifie « je ne suis pas un objet ». Comme le sujet se sent chosifié, clochardisé, dés-humanisé, « exclu de la communauté des hommes » il rappelle à la communauté tout en jouant sur la mécanique du transfert. Le sujet et son interlocuteur sont ainsi liés par la vérité traumatique, dans le lit de l'inquiétude, de l'insécurité, de l'inconstance d'objet et contre elle, mais toujours elle se défile (inconstante). Il y a enchaînement par le lien.

En outre, le transfert peut figurer un test : quand le sujet test l'autre et sa contenance : « est-il apte à me contenir, à contenir ce que je ne peux garder pour moi, ce qui déborde des fractures de ma coquille ? »



Jets

Faire vivre l'absence, l'inconstance d'objet, l'insécurité (fugues, tentatives de suicide).

Que l'autre soit sujet à inquiétudes, etc.

Faire vivre la vigilance, comme on est hyper-vigilants.

Et n'ayant ni l'esclavage ni l'assentiment de l'autre, l'autre confirme sa lâcheté et celle du monde (inconstance de l'objet).

Contre-phobie : comme pour s'habituer d'un schéma échappant toujours, en en usant, en l'usant.

Mise en scène.

Jouer la place de l'autre.

Transférer pour tester l'autre et la relation.

Moyen d'exploiter, de vivre la relation, la proximité (contre la mise-à-distance).

Tentative de partage, de « fusion » et d'abolition de la distance (mécanique schizoïde).

Sadisme et appropriation / le moi-peau de l'autre.

jeudi 11 septembre 2008

I - Courant d’Århus : le trauma est un fait de culture

Lorsqu'un événement survient dans la vie d'un sujet, sa teneur dépend de l'appareil "théorique " auquel le sujet fait appel pour comprendre, appréhender et s'approprier les phénomènes. Par exemple, tel sujet vivra le viol comme intrusif : c'est un tiers-intrus, un étranger qui pénètre en lui ; au autre sujet, pourtant, ne comprendra pas le viol comme intrusif, le viol est un événement "qui fait sens". Il est question de phénoménologie, de la façon dont les phénomènes apparaissent à la conscience, de la façon dont ils sont vécus. Le sujet compose avec la société (avec son répertoire culturel, ses appareils théoriques et cliniques, ses mises-en-place, etc) et, se faisant, il la mime et compose son propre appareillage, il tisse une toile de significations (le langage, le tissu conscient juxtaposé au tissu social, les contenus psychiques structurés, les habitudes, etc). Et à l'aune de cette grille de lecture qui donne du sens aux phénomènes, un certain nombre de phénomènes demeurent pourtant "sans le moindre sens" : la grille de lecture ne comprend pas l'intégralité des phénomènes. Tout se passe comme si le filet que le sujet jette sur le monde pour le ramener à lui (erfüllung) ne pouvait appréhender l'événement traumatique : c'est un poisson qui troue le filet de sens.

À l'intérieur de telle société judaïque, la femme violée était marqué physiquement du sceau du péché. D'abord marquée au front, elle était ensuite expulsée, "exclue de la communauté des hommes" comme on dit vis-à-vis de la clochardisation. Une telle société ne comprend pas le viol, mais loin de figurer la folie, la femme violée figurait la déliquance. Le sujet, pécheur, posait problème de telle sorte qu'aucun appareillage sociétal ne pouvait plus la prendre en charge : il était exclu. On peut dire qu'il n'y a rien, dans l'appareillage socio-culturel, qui aide le sujet à comprendre l'événement vécu : untel événement sera intrusif et étranger, et le sujet lui-même, assimilé au traumatisme qu'il a vécu, sera traité comme un intrus, un étranger. Aucune mise-en-place n'y répond : il est mis au ban. Le sujet qui a grandi et vécu dans une société identique, qui a "renversé le dehors sur le dedans", intériorisé les valeurs et le répertoire socio-culturel de la société, ne dispose lui-même d'aucun appareil "médical" ou théorique capable de prendre-en-charge l'événement traumatique. Ainsi le tissu conscient du sujet, ainsi son psychique sera-t-il troué d'un non-sens, il aura vécu "une expérience de non-sens".
Mais "ce qui fait sens" dans un type de culture ne fait pas forcément sens dans une autre culture, on ne le comprend pas, on ne l'appréhende pas de manière identique, on ne le prend pas en charge ou en compte de façon identique. Parfois, on l'exclu.
En somme, le traumatisme est un « fait de culture »

Si l'événement traumatique est vécu comme déstructurant, c'est qu'il ne respecte pas la structure consciente du sujet : il échappe à la structure de sens (le langage) mais aussi à la structure qui articule le contenu psychique (incompris dans la conception structurée du monde que nourrissait le sujet). Le trauma est étrange et étranger, il a une teneur intrusive et déstructurante : "quel est donc cet étranger qui apparaît à ma conscience ? Cet élément que je ne peux pas intégrer ; je n'en n'ai pas les outils". Et l'étranger de la société française n'est pas l'étranger de la société bolivienne. En d'autres termes, la teneur du traumatisme comme "intrusif, étranger, déstructurant, expérience de non-sens" dépend de la culture (répertoire culturel ; légitimations morales, juridiques et médicales ; appareillages de prise-en-charge, mise-en-place, et exclusion ; structure et configuration politique ; structure de sens et langage; etc)

Tel sujet vit un événement comme déstructurant et étranger, un autre sujet ne le vivra pas comme tel, dans la mesure ou il bénéficie d'un appareil de prise-en-charge distinct, dont le premier sujet ne bénéficie pas et que la société ne lui a pas offert.


MIETTES

Voir comment la conscience se structure (autour de la structure cellulaire et organique du sujet – comme le Moi-peau se construit autour du corps physique au moyen du sensitif – mais aussi autour de la structure sociétale).

Traiter du retournement du dehors sur le dedans : Anzieu, Nietzsche, les phénoménologues (Husserl, Sartre, Lévinas, Ricoeur, Derrida).

La dimension intrusive est figurée par le tiers (le tiers-intrus).

Les « structures de sens » sont un appareil d’appréhension (de compréhension) des phénomènes.

Quand la structure du contenu psychique du sujet n’est pas isomorphe à la configuration sociale, qu’il n’y a pas retournement du dehors sur le dedans (cf. Anzieu et le Moi-peau, Hegel)

Quand le contenu psychique (codes informels et formels, répertoire culturel, etc) n’est pas isomorphe[…] (cf. ibidem)

Comparer le tissu social au tissu conscient

mercredi 3 septembre 2008

Moi-peau et traumatique psychique

Introduction au concept de Moi-peau

Si l'Autre à ne bénéficie pas d'accès à mes représentations du monde et des phénomènes, à mes sentiments, à mes pensées, etc. ou ces contenus psychiques sont-ils conservés ? Quand je garde un secret, dans quel espace privé le garde-je ? Car en effet, il faut bien qu'ils se trouvent en quelques endroits. C'est ainsi que, conjointement à l'étrange questionnement "ou pense-t-on ?" Didier Anzieu s'interrogeait : "ou garde-t-on notre contenu psychique ?"

Dans l'optique d'y répondre, Anzieu formalisa le concept de Moi-peau : si le corps physique délimite, contient des organes et des organismes, etc. le moi-peau est à l'identique, il s'agit d'un corps psychique. En contact avec son corps physique, le sujet se constitue un "corps psychique", nous dit Anzieu. C'est un espace privé qui délimite l'Autre et le sujet, comme une coquille, une enveloppe, il fait office de contenu. Cette enveloppe, le Moi-peau, figure l'hôte du contenu psychique du sujet. Elle est comme une membranne cellulaire plus ou moins étanche qui permet de contenir le dehors préalablement renversé sur le dedans, excepté dans les cas de psychose au regard desquels il y a perméabilité et incontinence. Quand on dit de quelqu'un "il est dans sa bulle" on entend par là "il est dans sa peau, dans son Moi-peau".

" Le Moi-peau apparaît tout d’abord comme un concept opératoire précisant l’étayage du Moi sur la peau et impliquant une homologie entre les fonctions du moi et celle de notre enveloppe corporelle (limiter, contenir, protéger). Considérer que le Moi, comme la peau, se structure en une interface permet ainsi d’enrichir les notions de "frontière ", de " limite ", de " contenant "
in Le Moi-peau, Anzieu

Lorsqu'un sujet retient ses émotions et un certain nombre d'informations sur lui, qu'il trie ce qui "sort de lui" et ce qui reste en lui, quand il collectionne de telles "informations" dans une boîte à secrets, que c'est un habitué de "la catégorie du secret", il s'agit pour lui de donner dans la rétention. Il contrôle ce qu'il renverse au dehors. Aussi arrive-t-il que le sujet contienne ses secrets dans une boîte cachée en-dessous de son lit, mais il conserve aussi un certain nombre de contenus psychiques en lui-même, auquel cas le sujet figure la boîte à secrets. Cette boîte à secrets que le sujet figure est le Moi-peau. C'est une enveloppe dans laquelle il dépose ses lettres, c'est un vase qui contient et qui limite, qui donne une forme à son contenu - on dira l'eau adopte la forme du vase.


Au regard de la psychose

Dans le cas du sujet psychotique, celui-ci à l'impression qu'on lit dans ses pensées, que s'il pense "trop fort", il gênera les autres. Un tel sujet parle et se comporte comme si con corps était transparent et que, par lè, on avait accès à sa totalité. Concrètement, il parle ou écrit "tout comme si on était dans sa tête" : on ne le comprend pas, son langage est confus, étrange et étranger.
Mais lorsqu'il dit "mon corps est transparent, on lit en moi comme dans un livre ouvert, on lit dans mes pensées", le sujet psychotique fait allusion non pas à son corps physique, il évoque l'état de son Moi-peau, son corps psychique. Chez ce type de sujet, le Moi-peau est perméable et, comme c'est le cas de certains organismes cellulaires dont la membranne est molle, il se fond en l'Autre. Autrement dit, il est comme siamois avec le monde. Comme le corps psychique est perméable, le sujet est "un vase cassé" : le dedans déborde sur le dehors (impossible de soutenir les regards, de contenir ses émotions et ses pensées ; il y a incontinence ; aucune gêne, appropriation du bien des autres, etc.) et le dehors est renversé sur le dedans (pénétré par le regard de l'autre qui lit dans ses pensées, paranoïde, il ressent l'intrusion, etc). En bref, le Moi-peau du psychotique n'assure pas la fonction de contenance qu'il est sensé assurer, il n'établit pas de frontières clairs et précises entre l'Autre et le sujet, ne tient pas le rôle de résistance face aux phénomènes extérieurs et aux corps psychiques étrangers.
Et pourtant, au regard de la psychose, l'Autre n'est pas un Autre proprement dit : il n'est pas cet autre sujet étranger qui, toujours, échappe, mais bien plutôt l'objet qu'on s'approprie et avec lequel on joue (cf. La réaction obsessionnelle). L'Autre n'est pas réllement distinct, il est vu comme un frère-siamois avec lequel on se sent uni proprement dit : "Lui et moi, c'est un seul être".

Le monde est le trottoir du suejt psychotique, et il est le trottoir du monde.

" Par Moi-peau, je désigne une figuration dont le Moi de l’enfant se sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter lui-même, comme Moi contenant les contenus psychiques, à partir de son expérience de la surface du corps "
in Le Moi-peau, Anzieu



Moi-peau et traumatismes psychiques

Dans le cas d'un sujet non-psychotique, arrive un moment ou, dans sa vie, un événement dont la teneur est inhabituelle (étrangère) et choquante survient. Quand un tel événement apparaît dans la conscience du sujet, qu'il se l'est approprié comme contenu psychique, l'intrusion est déjà faite : "quel est donc ce corps étranger en moi ?"
Le dehors, l'extérieur a été "renversé sur le dedans", il a pénétré dans la vie psychique du sujet, comme un intrus. Et si la teneur de cette pénétration est violente, si l'événement a mimé ces revers tranchants qui trouent le crâne du sujet (traumatisme crânien physique) en trouant la "bulle", la coquille du sujet, alors sa teneur est traumatique. C'est ainsi que les phénoménologues disent que l'événement est vécu comme "un trou dans le psychique[...]". Le Moi-peau du sujet, qui est comme une membranne cellulaire, est troué par un tel événement. La "bulle" du sujet, ainsi fissuré, ainsi cassé, laisse le sujet incontinent. Il n'a plus de "coquille" pour assurer la fonction de contenance : le sujet devient incapable de soutenir les regards, il pleure, s'effondre, transfert, il rejette son contenu psychique traumatique ingérable sur le monde (mécanique du transfert).

Paradoxalement, comme l'événement traumatique figure un corps étranger, un tiers-intrus, son intrusion dans le corps psychique appelle l'enkystement. Dans le cadre de la médecine et de la mécanique des corps, lorsqu'un corps étranger fait intrusion dans le corps humain, se forme, autour du corps étranger, un tissu : c'est le kyste. Dans la perspective psychologique, un tissu psychique se forme autour du contenu psychique étranger et intrusif. Ce faisant, l'organisme psychique du sujet enkyste le traumatisme (considéré comme étrange et étranger). À l'aune de cette perspective, le contenu psychique traumatique, loin d'être refoulé proprement dit (même quand il y a amnésie partielle sur l'événement), est retenu. Le sujet jette un voile dessus, le voile du secret, le voile du non-dit, il y a rétention. On tournera autour du trauma mais on n'y pénétrera jamais, et les dicours eux aussi vont tourner autour.

En bref, si le corps psychique du traumatisé est d'abord fissuré comme un crâne dans le cas du trauma crânien, le contenu psychique traumatique est pourtant contenu dans une poche de tissu : un kyste. Le Moi-peau, la "bulle" du sujet assure alors deux fonctions duelles : d'abord il figure l'incontinence, fissuré, ensuite il figure la rétention, enkysté.

Ouverture finale

Un certain nombre d'organes psychiques assurent des fonctions et animent le moi-peau (contenance, différenciation, résistance et perméabilité, ouverture et transfert, etc). Par exemple, pour retourner à l'image médicale physique, le Moi-peau serait incapable de croître, de se transformer, etc. s'il n'y avait pas, derrière, des organes psychiques pour s'alimenter, digérer, animer : "mange ta soupe si tu veux grandir !" / "assimile du contenu psychique si tu veux que ton Moi-peau grandisse !"


Antonin Artaud, portrait "d'un homme envoûté... qui n'accepte pas de n'avoir pas fait son corps lui-même".



LÉGENDES :

[1] : Anzieu



PISTES DE LECTURES :

Artaud,
Les enjeux et la place du corps et du tactile.

Anzieu,

Le concept de Moi-peau.

vendredi 29 août 2008

Le formel et l'informel : l'enkysté dans le psychique

L'oralité publique (perspective sociologique)

La société propose un certain nombres de règles, de codes et de lois écrites. Écrites, elles sont formalisés. On trouve de tels règles dans le code des obligations, le code civile, le Memento, etc. Il s'agit d'un ensemble de « paramètres explicites » (Chomsky) qui sont appelés à moduler les comportements des acteurs sociétaux, à régir la vie en société. Demeure, en sous-main à ces écrits législatif, un certain nombre de « paramètres implicites » qui figurent une grille de lecture et sans lesquels il est impossible de comprendre même les lois apparemment clairs. Il s'agit de codes véhiculés par une forme de « tradition orale ». Comme quoi les écrits ne font pas le deuil de l'oralité. L'institution scolaire forme, par exemple, à comprendre le Code des obligations et le Code civile, entendu que sans un certain carcan pratique et idéologique, ces Codes demeurent hors de portée. Cette formation est dispensée oralement.
L'ensemble de ces « paramètres implicites » figurent déjà une forme de non-écrit dont le savoir et l'usage n'est dispensé que dans les institutions scolaires.

Autrement dit, en dessous de ces codes écrits, légitimés, contrôlés et respectés par un certain nombre d'acteurs sociaux, en sous-main, oeuvrent des codes qui, pour leurs parts, ne sont pas formalisés clairement : ils ne sont pas écrits, légitimés, ils ne figurent pas le fondement d'un « acte de légalité ». Par exemple, le code vestimentaire n'apparaît clairement que dans quelques banques et restaurants chics ou il est écrit "ne pas entrer en short, merci". Pourtant, si un acteur social déambule dans la rue costumé en Joker ou en Dandy du 18ème siècle, la grand-mère dira à son petit-fils "ne le regarde pas ! ne le regarde pas, c'est un fou" et au mieux, on le croira sorti d'une troupe de théâtre. Ce "pourtant" est important dans la mesure ou il témoigne en faveur de la présence d'un code vestimentaire informel. Ce code est présent dans la société mais on ne le trouve ni dit clairement, ni écrit, il est enkysté et régit les comportements sociétaux. Il n'est pas dit clairement mais il est respecté, on ne le reconnaît pas comme un code mais on le respecte comme tel.
D'autres exemples en bref : le code du manger ("hey, on ne mange pas avec les doigts !"), l'ordre du discours ("ne dis pas ça, c'est vulgaire !"), le code du regard ("on ne regarde pas comme ça, c'est pervers"), le code gestuel ("on ne montre pas du doigt, ça ne se fait pas, c'est offensant"), le code de l'humour ("on ne plaisante pas avec ces choses là !"), etc, etc.

Au regard de la phénoménologie, comme l'homme opère un "retournement" de ces valeurs externes et sociétales dans sa propre conscience, elles sont intériorisée, assimilée, appropriée et partagées par un grand nombre d'individus. Ces valeurs informelles et enkystées deviennent ses propres valeurs, et tout ce qui tourne autour d'un kyste est sensible, irritable et fragile. Pour ainsi dire, les comportements d'un acteur sociétal sont régis par l'ensemble de ces valeurs informelles injonctives. L'informel est le centre de gravité ; elles exigent le sérieux et le respect. Le kyste étant sensible, la provocation enflâme l'enthousiaste.

Enfin, les codes informelles ne sont pas proprement inconscients : les acteurs sociétaux en ont une conscience vague, et ils en rendent compte lorsqu'ils ejoignent l'Autre à "ne pas faire ci, ne pas dire ça car ça ne se dit pas".

Pour être véhiculé et mis à portée du plus grand nombre d'acteurs sociaux, l'informel est constamment formalisé, en réalité. Mais c'est sous une forme orale (cune ommunication indirecte), non-légitimée par les institutions mais pourtant respectées par elles. De ce point de vue, l'informel sociétal est « ce qui, formulé indirectement et constamment véhiculé sous cette forme lâche, n'est pas légitimé ». Par lâcheté, l'informel a fuit le camp du formel.



L'oralité privée (perspective psychologique)

Comme je le disais, la conscience propre est tapissée des objets extérieurs[1]. S'opère comme un retournement du dehors sur le dedans le dedans du sujet, auquel cas l'informel public devient un informel privé. Il est approprié, assimilé par le sujet. Mais dans le psychique du sujet comme au sein de la société, il forme un kyste que la provocation irrite et enflâme.

En outre, le sujet est le champ d'éléments informels autres qui n'ont rien en commun avec ces codes moraux latent. Par exemple, il arrive que le sujet oublie le nom d'un auteur dont il avait l'intention de vous parler, il dit « j'ai un blanc » et se trouve dans l'incapacité de formaliser le nom dont il voulait vous faire part. Des heures plus tard, arrive un moment ou le mot fameux se présente à la mémoire. En somme, les choses se passent comme si un processus de recherche avait continué d'opérer en sous-main, comme pourtant le sujet avait cessé d'y être attentif. Je dis que ce processus balaye et cherche dans le chaos de la conscience, là ou il n'y a pas d'index ; là ou les représentation sont brutes, elles ne sont pas structurée. Il est plus difficile d'y trouver son chemin, difficile de chercher dans un tel fouilli. Cela étant dit « avoir en mémoire » ne doit pas être identifié à « avoir en conscience », c'est ainsi que le sujet ne s'en souviens pas, il l'a « sur le bout de la langue » mais il en a pleinement conscience. Il sait l'avoir en tête.

Qu'est-ce que l'informel ? Si on interroge le sujet, il répond « c'est un blanc. Oui, c'est quand j'ai un blanc et que je suis incapable de dire ce que j'ai sur la conscience », pourtant, de ce blanc sort quelque chose. A mon sens, il convient donc mieux de parler de chaos, de pelotte de laine enmaîlée. C'est « un noeud dialectique » psychique, comme il arrive qu'on ait un noued à l'estomac ou la gorge nouée : on a le psychique noué.

Lorsque le sujet s'approprie un objet, qu'il l'assimile, cet objet est d'abord à l'état brute. Ensuite seulement, le sujet joue avec et l'organise, il l'intègre dans une structure de sens (comme le langage, par exemple). L'événement traumatique, lui, figure un objet que le sujet est incapable d'intégrer sans s'effondrer, sans que sa conscience ne soit dé-structurée. Voilà que le sujet compte intégrer le souvenir de l'événement traumatique dans sa conception du monde et dans son langage (structure de sens), ceux-ci sont incapables de comprendre un tel événement : ils ne le comprennent pas, ils ne servent plus à rien, ils sont « troués » : l'événement traumatique figure une nourriture que l'organisme est incapable de digérer. L'objet est informel, c'est-à-dire "il n'a pas de forme", il demeure sans visage, impossible à identifier, il n'est même pas représenter sous la forme d'une image clair. Dans cette optique, l'événement traumatique ne veut rien dire, il est insignifiant proprement dit mais il n'en est pas moin significatif.

La clinique invite néanmoins le sujet traumatisé à parler de l'événement traumatique qui l'a fait s'effondrer. Le sujet est invité à formaliser, et par là, il est invité à provoquer le souvenir traumatique enkysté : ouvrir le kyste, se décharger émotionnellement, faire sortir le pu. Ainsi, le clinicien signifie que « si cela va sans dire, cela ira encore mieux en le disant ».

C'est le premier degré de la conscience, une strate

Les sédiments du langage

La conscience est structurée comme un langage

A l'état brute, matière première, objet approprié mais non traité, tiers-intrusif

Même la peau est un tissu

Les signes sont des formes

Un voile sur la conscience, mais pas de l'inconscient

Le dire, c'est un processus

Le discours comme objet (cf. appropriation, jeu, sadisme et perversité)

Le non-dit comme objet (il est dans le camp de l'érotisme, il amplifie l'ambiance atmosphérique, il est un espace aux questions, aux suppositions, aux jeux et aux devinettes)



Pour en finir avec l'inconscient

Histoire de paraphraser Lacan, je dis : la conscience est structurée comme un langage. Plus précisément, elle est structurée comme deux langages. Le langage "formalisable" et l'autre, codé, pour ainsi dire crypté, "informalisables". Le premier est un objet structuré, clair et ordonné, l'autre figure la matière première, à l'état brute.



Le langage est une matière

Henri Poincaré, mathématicien intuitioniste, écrivait : « Il n'y a pas de problèmes qu'on pose, il n'y a que des problèmes qui se posent ». Pour poser un problème, il faut le formaliser : un problème qui se pose, c'est un problème qui se formalise.
Dans une perspective sociologique, on peut en dire que les espaces sociétaux produisent du discours, régits par un ordre du discours (Foucault, de Certeau). Pour exemplifier : le langage des bas-fonds n'est pas le même que celui argué par le classe riche ; le discours politique ne comprend pas des mots tels que bite, cul ou poisson pané ; un acteur sociétal n'utilise pas les même mots pour s'adresser à sa famille ou à ses amis ; enfin, l'avant-propos d'un livre comprend souvent un paragraphe "auditoire" dans lequel il dit à qui il s'adresse : un tel auditoire défini le langage dont l'auteur fait usage.

De la même manière, l'événement traumatique appelle la mise en place d'un langage radicalement nouveau. Qu'y a-t-il derrière le langage ? Des problèmes (Lacan). Des « espaces problématiques » (institutions scolaires, espace de parole politique, etc) poussent à formaliser : il n'y a que des problèmes qui se posent et qui posent, en même temps, un langage dédié à saisir le problème, à l'assimiler, à jouer avec.
Ainsi l'événement traumatique figure-t-il un nouveau référentiel, et alors change-t-il totalement la figure des « équations langagières ».



LÉGENDES :

[1] : Le non-dit public (perspective sociologique)



PISTES DE LECTURES :

Freud,

Chomsky,
pour l'intuitionisme, et les perspectives sociologiques et médiatiques

Poincaré,
pour l'intuitionisme

Wittgenstein,
pour le nominalisme (formaliste)

Kant,

pour le formalisme philosophique

Certeau (de),
pour les perspectives sociologiques (= l'institution produit un discours)

Carroll,
pour le formalisme

Foucault,
pour l'ordre du discours

Kierkegaard,
pour l'humoristique et la communication indirecte

jeudi 28 août 2008

La Réaction Obsessionnelle comme annexe au trauma

Le tableau clinique du trouble de stress post-traumatique comprend des symptômes spécifiques (ceux univoques qu'on ne rencontre que dans cette pathologie) mais il recouvre aussi un certain nombre de "symptômes non-spécifiques". Ceux-ci peuvent se situer à la croisée de nombreuses pathologies. Chaque symptôme non-spécifique est une annexe, une aile du TSPT. C'est un axe que le sujet traumatisé ne développe pas systématiquement. Parmis ces symptômes, on trouve l'obsession ou "réaction obsessionnelle". Pour étudier ce symptôme non-spécifique au TSPT mais parfois développé par le traumatisé, il est nécessaire de se placer dans le camp de la névrose (névrose obsessionnelle) dans la mesure ou elle l'embrasse et le comprend dans son intégralité. Les fondements de la névrose obsessionnelle nous est apporté par la psychanalise freudienne :

En général, je fais appel aux images poétiques et aux métaphores dans l'optique de vulgariser mes travaux. Mon écriture demeure alors essentiellement "photographique" ou "picturale" : c'est un tableau que j'esquisse en invoquant la couleur des mots.
Dans ce billet-blog, je vais user d'un autre processus de vulgarisation : la radicalisation. Lorsqu'une perspective est radicalisée, les contrastes sont éxagérés, mis en lumière, on se retrouve face à un "tableau" en noir et blanc qui nous aide à y voir clair.


Appropriations, jeu, sadisme et perversité

Dans cette perspective, j'introduis d'abord la notion de trouble obsessionnel compulsif (TOC). Il s'agit du plus radical et de plus contrasté des avatars de la névrose obssessionnelle. Le sujet obsessionnel compulsif est "maniaque radical" : par exemple, quand il ouvre la porte, il l'ouvre et la referme d'abord trois fois, il attache régulièrement les lacets de ses chaussures, il pose ses pieds dans le sens de la longitude des pavés de la rue, il se lave les mains plus que de raison, il arrange tout ce qu'il peut pour que le monde soit "droit", structuré, organisé, etc. Phénoménologiquement, le sujet obsessionnel compulsif comprend, classifie et découpe le monde de manière à ce qu'il soit "droit" et organisé ; le chaos est impossible à intégrer.

On trouve des perspectives obsessionnelles moins radicales : le sujet qui remet les chaussures droites lorsqu'elles sont retournées, un autre qui structure ses rédactions "parfaitement", etc. En termes populaires, on parlera de perfectionnisme et de manies. Derrière chacun de ces processus, se profil une angoisse vis-à-vis de "ce qui risquerait d'échapper" marquée par un complexe du tout-puissant : vouloir tout contrôler, tout arranger.

La névrose est une "scène" que le sujet met en place face à la perte ou à l'échappée. Il y a perte d'objet (perte de l'autre, de son emploi, de foyer, de sa situation, etc). Ainsi le sujet est-il psycho-rigide. En d'autres termes, après avoir subit une perte, après avoir été travaillé et déformé par elle comme peut l'être un morceau de terre glaire, son psychique se rigidifie, se cristalise. Crisalisé, il est fragile tel qu'un désordre, le chaos, l'échapée pourrait le briser : il lui faut contrôler "son monde". C'est dans cette optique que Freud signifiait :

" [...]le sadisme est particulièrement marqué :
il peut être compris comme concomitant de l'emprise sur les fèces,
garante de la propreté. "


Autrement dit, au regard de l'obsessionnel, l'autre n'est pas un sujet, c'est un objet. L'autre est un objet que l'on s'est approprié et avec lequel on joue (sadisme, perversité). L'obsession présente le visage dégénéré du désir et de la libido. Dans un tel tableau clinique, la relation de pouvoir (entre le sujet et "son" objet) est patente. Le jeu avec l'objet figure en outre une activité-rituelle fatiguante, épuisante. Freud reconnaît qu'une telle mise en place (les rituels) usent la libido, et c'est peut-être pour devenir soi-même un objet non-libidineux et apathique - comme une pierre - que le sujet obsessionnel met en scène de tels processus.

On rencontre des sujets traumatisés à tendance obsessionnelle : concrètement, ils mettent en place des "boucles" musicales ou cinématographiques, (se) repassent sans cesse le même sédiment - jusqu'à l'usure, jusqu'à en tout savoir, jusqu'à ce que plus rien n'échappe de la "scène".

Mais une "boucle", par exemple, c'est aussi une berceuse. Elle endort la libido du sujet comme il s'en décharge, elle la contient. Dans cette perspective, la "boucle" et l'obsession en général figure un substitut maternel (un background de sécurité, une fonction de contenance). Dans le cadre du trouble de stress post-traumatique, on peut dire que "comme l'événement traumatique a provoqué une surcharge émotionnelle, il s'en décharge par la suite" ; son objet est son trottoir.

La relation sujet-objet est une négation de l'Autre comme sujet à part entièrre. Il y a néantisation (Sartre).


L'obsession qu'on a bite (habite)

Troué par une perte (névrose), castré de son foyer, de sa femme, de sa situation, etc. le sujet obsessionnel manque à être. Ainsi l'obsession est un processus à double visage : d'abord dans la mesure ou le sujet l'alimente, ensuite dans celle ou elle alimente le sujet. Elle le comble. Autrement dit, un certain nombre d'objet s'accrochent dans sa cavité vide, il tapisse son intériorité en jouant avec son objet.
Selon une autre perspective, l'objet à obsession figure un abrit, le sujet s'y retrouve, c'est son repère. C'est une proppriétés propres aux rituels qu'on habite, qu'on "campe" et desquels on ne veut pas s'arracher. Quant le monde a lâché le sujet traumatisé, c'est dans de tels rituels obsessionnels qu'il cherche du solide, c'est sur un tel terrain (libidineux) qu'il se construit. Il y trouve, en outre, une forme de presence ou de proximité : présence de l'objet qu'on s'est approprié, qu'on a fait sien, qui, maintenant, nous habite et nous comble. Le sujet signifie "je me balade toujours avec mon obsession dans la poche".

Habiter, s'y retrouver, pouvoir se reposer dessus, etc. sont des processus qui assurent une fonction de contenance et narcissique. Effectivement, l'objet des obsessions du sujet assure une contenance dans la mesure ou il est l'hôte de ses débordements libidineux.
Au lieu de donner dans le registre de la rétention, le sujet obsessionel "vomis" l'ensemble de ses désirs pervers dans l'autre, dans l'objet approprié avec lequel il joue et qui figure comme une "boîte à secrets", une boîte de Pandore.

Dans la perspective de ce paragraphe, je relève que l'obsession est un processus qui signifie : jouer sa place, jouer sa place dans l'obsession qu'on à bite. C'est un jeu à bite et à trou.

*

L'autre jour, comme je discutais avec Freud, il m'a dit :

"comme l'événement traumatique troue le tissu conscient et le psychique,
il figure un anus dans le psychique"

mardi 26 août 2008

Manque à être et traumatisme : phénoménologie de la presque-oedipe

L'événement traumatique n'est pas une perte proprement dite, il ne figure pas la castration comme par exemple une perte d'emploi, la perte d'un logement, de sa femme, etc. peuvent la figurer. C'est pour cette raison que la pathologie conséquente n'est pas névrotique proprement dit. Au regard de cette perspective, on comprend que le terme de "névrose traumatique" ait souvent été disqualifié au profit d'un terme non moins adapté : celui de trouble de stress post-traumatique.


Castration et tisserage autour du vide

Mais si l'événement traumatique ne figure pas la castration, il débouche dessus : vécu comme "un trou dans le signifiant" (Barrois) le tissu conscient du sujet est troué. La valeur et le sens de la vie lui font défaut, la structure de sens qu'est le langage devient "hors de portée" parfois jusqu'au stade infantile ou le sujet ne sait plus parler. Il est pour ainsi dire "castré du sens", et, souvent, a lieu ce qu'on qualifie de "second trauma" : le rejet social de la part d'une société qui veut étouffer les cris, ne pas entendre la vérité traumatique, et fait un Dieu du sens et de la Raison (perte d'emploi, du foyer, de son âme soeur, etc). D'une part, la conscience se dé-structure, d'autre part le sujet se sent vide, creux, il "manque à être". Il cherche alors à combler ce vide, par exemple par une boulimie, qu'elle soit alimentaire ou spirituelle. Mais la nourriture, toujours, est expulsée, et le savoir jamais ne tient. La somme avalée est immédiatement engloutie dans l'énigme traumatique, figure du trou noir.

De même, les espaces vides qui sont en résonnance avec son intériorité apparemment précaire lui sont insupportables : il lui faut les meubler. Pour ce faire, le sujet dispose de la parole mais aussi de la marche qui signifie "quelque chose" (cf. l'énonciation piétonnière chez Michel de Certeau) et c'est sans compter qu'il dispose aussi de la fumée et l'odeur. Toutes ces mises en place pour occuper ou meubler l'espace sont signifiantes : elles "parlent", elles énoncent quelque chose. Ce n'est donc pas in-significativement qu'il tente de nourrir l'insatiable espace dans lequel il évolue. De quelque énonciation à laquelle le sujet fait appel, elle est narcissisante : d'abord parce qu'elle est signifiante, le sujet donne du sens et se donne du sens au travers de son énoncé (Tillich) ensuite parce qu'elle est identitaire (une langue, par exemple, participe de l'identité à la fois nationale et individuelle).

Le sujet se sent comme une ombre inconsistante, devenu le noir du trou, elle s'étend au soir avec sa tristesse. C'est une ombre qui dévore tout sur son passage sans pouvoir jamais être un corps, elle en est "castrée", elle manque à être.


Le plat : couvercle au-dessus du vide

Mais si l'intériorité du traumatisé semble précaire, si demeure ce trou dans le signifiant, si le souvenir du trauma ne figure rien d'autre qu'un trou noir, l'ouverture sur un monde et un savoir sur-réalistes ou irrationnel est totale. Ainsi le sujet se dissocie-t-il de la vie et se précipite-t-il dans un répertoire culturel sur-réaliste, fantasmatique ou irrationnel, dans le monde de l'Histoire sans fin, au pays des merveilles ou encore à Nerveland. Et ces "univers parallèles", eux, sont loin d'avoir qualité ou défaut de précarité. En revanche, comme la pipe de Magritte n'est pas une pipe mais une représentation unidimensionnel, le "monde traumatique" n'est pas le monde[...] Le sujet se trouve coincé dans l'ambre d'un instant, dans une dimension uniforme : celle toute-puissante et toute-présente du trauma. Emprisonné dans une représentation plate mais riche et colorée, n'est-il pas le prisonnier d'un tableau (d'un tableau clinique) ? C'est donc avec ce plat qu'on répond au vide, au trou noir. Il est l'instrument qui fait office de couvercle.

A ce stade, le sujet vit sur le monceau terrien flottant de Magritte (Rene).

Il s'agit de la deuxième forme du manque à être : quand par exemple on passe à côté d'un feu rouge tant on était perdu dans "ses pensées" ou dans un autre monde. Certains sujets passent à côté de leur existence la vie durant tout comme on passe à côté d'un feu rouge. Il manque à être.



PISTES DE LECTURES :

Freud,

Certeau (de),

Unamuno,
pour la soif (soif d'immortalité, soif de Dieu, soif de grandeur, soif d'être)

Tillich,
pour le courage d'être, et pour la littérature comme participation aux significations.


répértoire culturel folle

Dali,
pour le surréalism pictural.

Munch,
pour l'angoisse d'un monde liquide et distordu.

Magritte,
pour le surréalism pictural.

Artaud,
pour le surréalisme littéraire.

Carroll,
pour le nominalisme surréaliste.

lundi 25 août 2008

Phénoménologie du trauma

INTRODUCTION

La phénoménologie est "l'étude des phénomènes en tant qu'ils apparaissent à la conscience". Ici, il est question de se pencher sur l'étude du "phénomène traumatique" en tant qu'il apparaît à la conscience du sujet.

Ce mouvement "philosophique" a été particulièrement développé par Husserl, mathématicien et psychologue de formation. Depuis cette origine, il a conservé de liens étroits avec le champ de la psychologie, puis il a été étudié par Sartre, Levinas, Merleau-Ponty, Derrida, Ricoeur, etc.


La problématique porte donc sur :

1- La re-structuration de la conscience

La manière dont la conscience se structure ou se dé-structure autour du souvenir traumatique. Par exemple, elle "revoit" la lexicologie et le vocabulaire relationnels (le langage est une structure de sens). Une conscience intègre l'intégralité des formes verbales (je, tu, il, ils, nous, vous) elle est singulière et plurielle. En outre, elle utilise parfois des formes exclusives (vous, on) mais il n'est pas impossible que la totalité de ces formes verbales deviennent, au regard du traumatisé, soient exclusives (même le "je") dans la mesure ou il met le monde et le langage structuré à distance. Si le langage marque une présence dans le monde (il s'inscrit dans le monde, présente et se présente), il est identifiable aux réalités des relations sociétales (Hegel), elles soulignent les rapports à l'autre (objet comme sujet), l'intégralité des formes verbales sont des mots qui définissent le lien à l'Autre, la socio-articulation. En revanche, chez le traumatisé, le langage structuré, mis à distance, est écarté du sujet. Dans l'écart, l'informel et le langage dé-structuré.

Il s'agit d'étudier la façon dont la conscience vise l'Autre, mais le vise peu, toute cyclique qu'elle est à tourner en rond dans le souvenir de l'événement traumatique. Ce sont les mécanismes du mouvement et des rapports de la conscience sur lesquelles elle fonde sa structure.

Visant le souvenir de l'événement traumatique plutôt que le monde extérieur, la conscience figure comme un circuit fermé, un cercle. Par là, il faut saisir la toute-puissance du trauma avec lequel compose le sujet et autour duquel il cherche à "se structurer". Ainsi tisse-t-il autour d'un "trou psychique" causé par un événement choquant et contondant d'une grande force. En d'autres termes, le tissus[1] conscient du sujet est troué, il y a un vide dans la maille... qui laisse passer les bourasques glacées du Cocyte.


2- L'être-au-monde

L'être-au-monde du traumatisé : " traumatisé, suis-je avec le monde (cf. Heidegger), dans le monde (cf. Sartre), contre lui ou en dessus de lui (cf. l'humoriste kierkegaardien) ? " - il est question de position dans les relations (frontal, indirect) plutôt que de modalité des relations.

Il s'agit d'étudier les processus participatifs de la conscience.


2b-
Les modalités relationnelles

Les modalités des rapports du sujet aux autres : sont-ils des sujets à part entière ou bien sont-ils chosifiés, auquel cas je ne trouve aucun interlocuteur dans le monde ? combien me sont-ils étrangers, m'échappant, séduisants ? suis-je plutôt dans l'arrachement ou dans le rapprochement, ou ne suis-je pas entraîné par les pulsation relationnelles : rapprochement sur arrachement, au rythme d'un coeur qui bat. Combien est-ce que je me sens étranger aux monde, séparé par la brèche du secret ? Quid de la mise-a-distance (érotisme) ?


3- Le monde pour-lui

Le monde tel qu'il apparaît à la conscience du traumatisé, c'est-a-dire : " quand je suis traumatisé, comment est-ce que je catégorise, classifie, qualifie, découpe ma perspective du monde pour l'intégrer, l'assimiler, le digérer, le supporter, qu'il n'écrase pas ma conscience ? Le monde est-il sensé, accessible, a portée ? ". Par exemple, Barrois disait que l'événement traumatique instaurait "un trou dans le signifiant"[2], Crocq disait que c'est "une expérience de non-sens". Le sujet voit l'existence comme "un non-sens" et parfois cette perspective se dispute à celle de "l'existence comme énigme, l'énigme qui est comme un trou noir autour duquel on brode, on tourne jusqu'à en perdre le nord ; on fait la toupille comme une jeune fille que son cavalier de tango a envoyée valser, et il lui échappe, il est l'étranger, il est l'Autre séducteur qu'on ne pénètre jamais".

Le trauma est vécu comme une Nouveauté Radicale qui relègue l'ancien dans l'ombre et ramène la biographie du sujet à l'événement vu comme une Révélation. (cf. Crocq qui évoque le message dont sont porteurs les traumatisés).

Il s'agit de noter l'écart entre le monde tel qu'il devient pour le traumatisé du monde tel qu'il lui apparaîssait avant le trauma. Cet écart figure par ailleurs la mise-à-distance (réaction dissociative).

Dans cette perspective, peut s'instaurer la tendance obsessionnelle caractérisé par une volonté de tout contrôler ... pour que rien n'échappe. L'obsession et la rétention sont liés dans le lit de ce souci.


5- L'être-dans-le-temps

Enfin, la phénoménologie peut intégrer le concept de temps : comment figure le temps vécu ? comment la conscience du traumatisé découpe-t-elle ou, au contraire, unifie-t-elle le temps autour du traumatisme ponctuel ? Etc, etc.


CONCLUSION

Ce n'est pourtant pas une étude qui ne porte que sur le sujet : elle souligne elle aussi l'inter-subjectivité. C'est avec l'Autre qu'il compose, c'est avec les tapis des marchés tunisiens qu'il tapisse son intériorité. L'extérieur est matière à intérioriser. Bref, le sujet est en relation aux autres, au clinien. En outre le trauma vient à la conscience de l'interlocuteur du sujet via la dynamique du transfert, ou plus simplement parce que le clinicien aussi peut dire, comme Sartre, "pour connaître une vérité sur moi, il faut que je passe par l'autre", et se faisant, passant par l'autre qui est traumatisé, j'acquiert une conscience de la vérité traumatique. C'est une conscience qui fait peur et qui débouche souvent sur la mise à distance par les interlocuteurs et par l'entourage du traumatisé qui refusent de se voir rappeler sans cesse que "nul n'est jamais a l'abrit" et qu'on est impuissant face à certains phénomènes. D'autres interlocuteurs préfèrent aborder le phénomène et le traumatisé indirectement, car frontalement les approches semblent vouées à l'échec ; l'humoristique est une des attitudes. Ne pas évoquer le sujet en est une autre, faire "comme si de rien n'était".



LÉGENDES

[1] : voir le concept de pli chez Leibniz et Deleuze.
[2] : il y a "anus dans le psychique", cf. La Réaction Obsessionnelle comme annexe au tauma.



PISTES DE LECTURES :

Husserl,
pour la phénoménologie dans le champ de la psychologie.

Sartre
pour les études sur l'être-au-monde, la phénoménologie (visée, néantisation, erfüllung).

Lévinas,
pour la phénoménologie.

Buber,
pour l'inter-subjectivité.

Barrois,
pour la phénoménologie psychologique.

Fenichel,
idem.

Crocq,
idem.

Merleau-Ponty,
phénoménologue.

Kierkegaard,
La séduction, le silence, l'érotisme, la communication indirecte, l'énigme, le secret.

Heidegger,
pour l'être-avec.

Hegel,
pour la toute-présence du verbe et l'identification du langage aux réalités sociétales ; auquel cas le langage traduit l'existence et la place du sujet dans la société.

vendredi 22 août 2008

Le thérapie maïeutique

D’innombrables portraits représentants Socrate ont été dépeints par les philosophes. De Platon à Tillich, en passant par Xénophon, Aristophane, Hegel, Nietzsche et Kierkegaard, pour ne citer que ceux-ci. Il s’agit de tableaux aux traits différents, minces ou gras, parfois grossiers, railleurs ou incisifs, nets ou hésitants ; des tableaux apparemment inconciliables qui font que, sur Socrate, la question reste ouverte, le mystère reste entier.

L’essentiel de cette modeste synthèse a un caractère « kierkegaardien ». Le dessin que Kierkegaard entreprend de Socrate n’est par ailleurs pas sans considérer cet état de fait : l’équivoque et la pluralité qui règne dans la galerie des portraits de Socrate. S’il y a équivoque, multiplicité et énigme au sujet de Socrate c’est parce que, justement, il se refuse à être saisi, à être « résolu », à être su. Il n’est pas l’objet d’un savoir.


PARTIE I - LA MAÏEUTIQUE SOCRATIQUE


a ) Socrate et le pré-socratisme


Je dis d’abord dans quel monde Socrate fut jeté :

… il naît, en Grèce, seulement un siècle et demie après que la philosophie ait poussé ses premiers cris, ou du moins un siècle et demie après qu’ils aient été entendue. Avant cela, elle ne portait pas de nom et n’avait pas encore acquis le « sérieux » du costume de tout ce qui porte un nom. Elle était libre et sujette à la légerté, pas encore prisonnière de l’ambre d’une étiquette. Il manquait la discipline.

Que la philosophie ait été reconnue avec Thalès de Milet ou avec Pythagore, elle semble s’inscrire à la croisée de la géométrie, de l’arithmétique et de quelques mouvements religieux, probablement ses proches parents. Elle a pour objet celui qui se trouve à la croisée de ces trois disciplines, la méta-physique, c’est-à-dire ce qui est au-delà de la physique expérimentale : une physique spéculative. C’est dans ce cadre qu’on voit émerger des atomistes avant la lettre, des Naturphilosophes, etc.

Face à tout ce beau monde qui spéculait, face à ce siècle et demie de réponses hétérogènes qui le précédaient, de philosophes qui se réfutaient les uns les autres sans suivre de règles formelles que devrait respecter toute déduction correcte, Socrate allait « prendre place » en pointant du doigt l’inconsistance des réponses. Ce n’est pas parce qu’on avait reconnu et donné un nom à la philosophie qu’elle était devenue sérieuse pour autant.


b) L'art d'accoucher les esprits

Et je dis comment il pointa, du doigt, les inconsistance...
...La maïeutique est l’art d’accoucher les esprits. Il s’agit d’une « méthode » qui repose sur l’interrogation et qui se propose d’amener l’interlocuteur à accoucher de ses idées, de ses opinions, de ses a priori. Plaçant l’interlocuteur dans une position inconfortable, face à ses idées enfantés qui sont contradictoires et semblent s’annuler, se réfuter, cette « méthode » ne propose aucune solution : elle est toute entière interrogation, c’est-à-dire ironie. Elle détruit sans re-construire. La dialectique Socratique, ironiste, est une dialectique négative[1], autrement dit, elle procède en ne résolvant pas. Cette attitude vise à dépouiller, à mettre son interlocuteur à nu, à souligner le Tu comme le relève Buber.


La réponse tuerait la question ; la solution, tuerait l’ironie. Avec Kierkegaard, on dira que la vie n’est pas un problème à résoudre mais une réalité dont il faut faire l’expérience. Comme déjà dit, « la question reste ouverte », je reste « sans savoir ».

La négativité (processus d’irrésolution) a un lien étroit avec le savoir, puisqu’elle est interrogation, puisque la dialectique négative procède en ne résolvant pas. C’est ainsi qu’il faut comprendre que « tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien ». Par là, Socrate, en philosophe, se dresse contre les sophistes qui, eux, prétendent déjà savoir. Et il se dresse aussi contre les philosophes pré-socratique qui, eux, donnaient fin à leurs questionnements en donnant des réponses. Il se positionne, de manière plus général, contre tout « système du savoir ». Quand toute spéculation s’effondre sous le coup des interrogations, quand le savoir se dérobe face à l’existence, l’existence enfin a sa place. Quand l’homme est dévêtu, il apparaît enfin nu, homme qui existe et rien de plus, broyé par l’interrogation et lui-même interrogation.


A propos de la dialectique socratique, on peut reprendre ce que Kojève disait au sujet de la dialectique hégélienne, à savoir qu’il ne s’agit pas d’une méthode : il ne s’agit pas d’une convention ou d’une invention au même titre que la logique aristotélicienne. C’est une réalité ; elle est existentielle. Autrement dit, chez Socrate comme chez Kierkegaard, on est en présence d’une dialectique ironique : l’existence est ironie, je suis moi-même une question, je suis insoluble, je ne suis pas l’objet d’un savoir et je m’échappe.


Rencontrer Socrate, c’est rencontrer pour ainsi dire l’ironie incarnée, le point d’interrogation, l’énigme. En tous les cas, c’est rencontrer un homme singulier qui me renvoie à moi-même, il dit « Tu ? » à l’instar du Christ qui dira « tu le dis » à ses interlocuteurs. C’est à la lumière de ces phénomènes qu’il faut comprendre la célèbre apostrophe qui dit « connais-toi toi-même ».

Difficile alors de parler de sa rencontre avec Socrate autrement qu’en disant son rapport (personnel, à soi) à l’interrogation – et c’est là qu’on observe la pluralité des tableaux qui nous sont dépeints de lui. En vérité je vous le déclare, ce n’est pas Socrate que les philosophes représentent mais leur propre rapport à l’interrogation. Heurté aux interrogations de Socrate, ils ont déjà fait retour sur eux-même.

Comme Socrate semblait déplorer qu’il n’existe pas de règles formelles que devrait respecter toute déduction correcte, Aristote y remédia en travaillant à la logique formelle qu’on connaît encore aujourd’hui. De son côté, Platon a fait succéder un moment positif au moment négatif, signifiant « vous n’avez, des choses, que des représentations trompeuses (moment socratique) ; moi je vais vous montrer l’essence vraie des choses (moment platonicien positif) », détruisant tout pour re-construire ensuite. Hegel a conservé, de la dialectique socratique, la confrontation d’une « vérité » à sa contre-vérité pour, ensuite, les dire sans consistance toutes les deux, sans valeur, les réfuter et les dépasser en les conciliant. C’est le moment hégélien positif (aufhebung). La négativité pure, chez Hegel, c’est le devenir, mais on trouve tout de même, chez lui, un « devenu » : il arrive à édifier le monument philosophique qu’on connaît, l’immense « cathédrale philosophique et positive » incontournable, le « système du savoir absolu ». Quant à Kierkegaard, il en est resté au moment purement socratique : il aura laissé des miettes de lui, broyé par l’interrogation, inachevé, irrésolu, déchiré, énigmatique, interrogation lui-même, « Dieu m’a donné la force de vivre comme une énigme » écrivait-il douloureusement.


c) Matériaux pour travailler Socrate


Par « travailler Socrate », j’entends : l’assimiler, m’en nourrir, le subjectiver, l’installer en soi-même comme une interrogation qui broie tout. L’accepter sur moi comme un taon qui dérange. Enfin, pour « travailler Socrate » (qui reviendra toujours à se travailler soi-même), je me constitue tout un appareil critique et je m’intéresse :

1- Aux figures qu’ont dépeint de lui quelques philosophes (cités au début : Platon, Xénophon, Aristophane, Hegel, Nietzsche, Kierkegaard, Tillich) aussi bien du côté des réfutations que des « reprises ». Il s’agit là d’une archéologie d’une réception dans le champ philosophique.

2- Un autre champ important dans lequel on l’a réceptionné et sur lequel Socrate a eu un impacte, c’est celui politique : alors je vais m’intéresser à l’ordre social dans lequel Socrate a fait désordre (lectures sur le Vème siècle grec en particulier, la constitution, les relations de Socrate, les accusations officielles contre lui, comparaison avec motifs des mises à morts d’autres gens pendant cette période, etc). On touche plutôt à Hérodote, Thucydide, Xénophon, Plutarque, Lévy, Vernant, etc. Archéologie d’une réception dans la champ politique.

3- A l’aspect médiologique du « socratisme » en général (philosophique, politique, etc.). Il s’agit par exemple de tracer le parcours du fil ténu qui a traversé les âges, les auteurs, les pays, les médiums (aspect technique) : du Vème siècle av. J.-C. à nos jours, de Platon à Tillich, de la Grèce au Danemark, des paroles portées par le vent au livre imprimé.
On peut suivre aussi le parcours de certaines sentences (comme « connais-toi toi-même » ou « tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien ») jusqu’à l’éclatement, c’est-à-dire jusqu’au moment ou la sentence devient populaire et proverbiale.

4- L’iconographie : étude des représentations plastiques (peintures, sculptures, gravures) d’un sujet donné. Il s’agit aussi d’une forme de réception. Que véhicule l’image d’un Socrate maigre ou gros, que signifient ces traits hésitants ou ceux-ci nets ?

5- A la documentologie, c’est-à-dire « l’activité qui consiste à rechercher les sources de documentation, à les recueillir, à enregistrer les notions qu’elles contiennent et à diffuser ces notions auprès des intéressés tout en assurant la conservation méthodique des sources »[2]. En prenant en compte l’aspect – très important – traductionnel.

6- A la « philosophie des champs » selon lesquels je traite Socrate. Par exemple, comme je parle parfois en termes historiques, à l’historiographie, c’est-à-dire la philosophie de l’histoire. Je peux soulever des questions telles que « dans la mesure ou l’histoire est l’histoire du « nous » - d’un point de vue hégélien - traiter historiquement de Socrate, qui est l’individu singulier par excellence n’est-il pas contradictoire ? » ou encore « comment traiter de l’aspect historique ? par récit ? par description ? (à la Hérodote) par réflexion (à la Thucydide) ? ». Historiographie, donc, Hérodote, Thucydide, Hegel, Foucault, etc. Mais il reste encore la philosophie de l’archéologie, de la démographie, de la géographie, de la médiologie, de l’iconographie, etc.

[1] Cf. Hegel, Kierkegaard, Politis, etc.

[2] BERNATÉNÉ H. (1964), Comment concevoir réaliser et utiliser une documentation, p. 16.



PARTIE II - LA THÉRAPIE MAÏEUTIQUE

Le thérapie maïeutique, elle, est mise-en-place dans le cadre clinique. Elle consiste, tout comme la maïeutique proprement socratique, à interroger le sujet dans l'optique de l'amener à mettre ses préjugés, ses préconcus, ses perspectives sur le tapis. Ainsi expulsées, inévitablement contradictoires, on l'amène à s'en dés-habiller, il se retrouve à nu. Il s'agit d'une méthode qui frise l'effondrement narcissique du sujet déjà opérant chez les traumatisés.
Mais la maïeutique thérapique est plus hégelienne que socratique : elle connaît un "moment positif", un moment de construction de nouvelles valeurs structurées, que suggère le clinicien. Il signifie "mets-toi à nu, puis on reconstruira quelque chose". Pour paraphraser Silesius (cf. Extase Blanche, Michel de Certeau), j'ajoute :

« Vers le clinicien, je ne puis aller nu. Mais je dois être dévêtu. »

Comment ne pas évoquer alors l'un des plus fameux roman d'Orwell : 1984 ? En effet, à la fin du roman, le protagoniste principal est électrocuté. L'autorité lui demande "combien de doigts ?" et lui en montre quatre, quand le protagoniste répond « quatre... » l'autorité le passe à l'électrocution, arguant « si l'État dit qu'il y en a cinq, combien de doigts vois-tu ? » , ce à quoi il répond à nouveau « quatre » . Quand, enfin, à cours de force, le pauvre torturé répond « je ne sais pas... je ne sais pas... mais je vous en prie ne m'électrocutez plus... » . L'autorité, d'un air satsifait, signifie « C'est mieux ! » .

mercredi 20 août 2008

La Reprise traumatique : présentation et re-présentation scénique spectaculaire

SOUS-TITRE : L'avatar temprel de la réaction dissociative

Le syndrome de répétition traumatique (SRT) est une constante du tableau clinique.

Au regard de la nosographie, on re-connaît 8 modalités répétitives, parmi lesquelles le cauchemar de répétition traumatique, les hallucinations, les illusions, les ruminations, etc. La scène se répète. Qu'il soit endormi ou éveillé, le suejt revoit la scène, il la ressasse, elle le travaille. Cependant, le tableau clinique rigide n'intègre pas "le discours répétitif" qui peut s'instituer et sur lequelle débouche souvent le processus thérapeutique de debriefing : le traumatisé se répète, il répète le même discours encore et toujours ; celui qu'il a appris à formaliser au cours de ses entretiens.

Mais quelle est la nature de la répétition ?

Vonnegut nous donne déja une piste sur le sujet quand il signifie à propos d'Abattoir 5, l'un de ses ouvrages qui traite de guerre : "ce livre est une re-présentation littéraire ; pour l'écrire, je me suis retourné, c'est l'oeuvre d'une statue de sel". Et pourtant, s'il s'agit d'une re-présentation (la scène se re-présente, elle revient au devant de la scène quotidienne et relègue le présent en arrière-plan) il ne s'agit pas d'une présentation à l'identique. La scène se "présente à nouveau", c'est tout le sens de la re-présentation, mais elle est délavée. Autour d'elle, s'aglutinent des variations. Re-présentée et non proprement présentée, elle ne s'impose pas comme un présent tout-puissant.

En réalité, il s'agit de Reprise, non de répétition : la scène traumatique est fissurée, et dans cette fissure ou autour d'elles, viennent s'aglutiner un ensemble d'éléments qui instaurent des variations scéniques. Comme au théâtre, la Reprise est une variation mais c'est aussi une appropriation (on s'approprie Peter Pan, on la reprend, on présente la variation ou plutôt) - On présente à nouveau, mais c'est une présentation nouvelle : il faut donc saisir la toute-puissance et surtout la toute présence de la scène qui "se reprend". Comme deux présents ne sauraient co-exister, le quotidien du traumatisé est relégué dans l'ombre, il est comme un moustique prisonnier dans l'ambre. Comme disait Marguerite Grimault à propos de Kierkegaard, c'est "le malheureux que le souvenir empêche d'être présent dans son espoir". Pourtant l'ambre vieilli, se fissure, et dans la brèche scénique, s'aglutine des variations. Au hasard de sa course folle, un espoir ne pourrait-il pas finalement s'aglutiner - qui sait.

Le quotidien est lui-même le champ de nombreuses alitérations. Comme disait Leibniz, "nous sommes mécaniques dans les trois-quarts de nos actions". Je me lève, me douche, boit une gorgée d'eau, sort de ma chambre d'hôtel, déscend les escaliers, je marche, mange, bois, urine et défèque, etc. etc. Mais ces alitérations sont aussi variées. Ce sont des habitudes qui ont un caractère de rituel, on les campe, on les habite, elles nous rassurent. Elles sont un point d'ancrage dans la vie.

En outre, le traumatisé écrit "comme s'il y était toujours", il jette au devant de lui ce qui, pourtant passé, refuse de figurer comme un élément proprement historique. Donnant dans l'écriture ou le récit immédiat, donnant dans la représentation scénique "in vivo", il s'empêche d'en voir les chemins consécutifs de sorte que tous les avenirs possibles soient ramenés à l'unicité d'un seul destin (le destin traumatique). Dans l'avenir, s'institue un mur ; les projets eux aussi sont murés.

Problématique sous-jacente : pour reprendre la scène, le traumatisé a dû se l'approprier mais il ne la comprend pas pour autant. Elle demeure l'intrus, le tiers. Au regard du traumatisé, l'événement traumatique est vécu comme une intrusion, comme un viol.
Parce qu'une Reprise est un concept théatrâl, parler de reprise nous introduit à cette dimension : théatrâle, scénique, spéctaculaire. Le spectacle se profil derrière la Reprise, le sujet fait du spectacle.

Etc, etc.

Il serait intéressant de travailler sur les variations qui entourent l'événement traumatique telles qu'elles sont formalisées par le sujet. Dans les différences, se trace une biographique qui, bien qu'elles brodent autour du trauma, ne sont pas réduites à l'unicité traumatique.



PISTES DE LECTURES :

Kierkegaard,
in La Reprise.

Lacan,

dimanche 17 août 2008

Enjeux fonctionnels, structurels et impactes des Cellules d'Urgence Médico-Psychologique

SITUATION :
" Le réseau national (français) des Cellules d'Urgence Médico-Psychologique, que j'ai créé en 1995 et qui fonctionne toujours sur l'ensemble du territoire français, est un réseau de soins d'urgence médico-psychologique auprès des victimes d'attentats terroristes, de catastrophes et d'accidents collectifs. Son champ d'action est le stress traumatique et non pas le stress de la vie courante ni les détresses individuelles. Nous intervenons dans l'immédiat, sur le terrain même ; puis dans le post-immédiat (le mois qui suit) ; et éventuellement dans le moyen et le long cours, si le sujet le demande. "
-- Louis Crocq, au cours d'une correspondance avec moi.


Le trauma de masse et les masses traumatisées sont donc l'objet de la prise en charge, de la mise en place et des études menées par les Cellules d'Urgence. Mise en place directement sur le champ d'action, elles assurent de multiples fonctions : de contenance, de proximité avec l'événement traumatique et le sujet, de suivi, de briefing et informations, associative, et enfin une fonction médiatique. En outre, elles assurent des fonctions duelles telles que l'écoute / répondant ou des fonctions narcissantes / dé-narcissantes, la parole du psy / la parole du sujet et enfin figurative / clochardisante. Bien que l'espace de parole soit identique, les discours du psy et du sujet (et leur ordre ou désordre) sont essentiellement différents, parfois confrontés.

Dans cette optique, la scène mise en place est comme une corde tendue entre les institutions et le sujet, c'est une "scène de compromis". En d'autres termes, il s'agit d'instituer une lignée inter-subjective - personnellement, je parlerais plutôt de structure inter-subjective tant il est vrai que le sujet est pluriel (nous, vous) et singulier (je, tu, il / on). Mais ramener les fonctions des cellules à des phénomènes strictement psychologiques est réducteur quand se profil du socio-économique et de l'anthropologique.


fonction de contenance

Les sujets traumatisés sont, la plupart du temps, en proie à l'effondrement narcissique : l'image qu'ils ont d'eux-même devient floue, les figures s'effacent, leur sécurité s'effondre. Tout est lâche et "sans figure" et la menace peut venir de partour. Par exemple, on verra rarement un sujet traumatisé ne pas s'asseoir, dans un lieu public, dans un espace qui ne garanti pas une fonction sécurisante (pan de mur derrière, aucun trafic). Leur "bakcground de sécurité" qu'on identifie parfois à "une mère de substitions" se voit fracturé, lézardé, voir effondré. Le substitut maternel qui contient et donne le sein est cassé.
Question de contenance, dans la chute, le sujet tombe dans les bras de la cellule. Celle-ci, par sa proximitié avec l'événement traumatisant et avec le sujet, assure une fonction de contenance, elle se veut comme le sein maternel, comme une atelle qui, si on ne la quitte pas assez tôt, risque d'atrophier le psychique du sujet. Les cellules figurent un cadre qui contient les débordements du sujets, semblablement à un vase qui donne, à l'eau, sa forme. Elles se veulent enrayer le processus de débordement, déformation du sujet.
" Les psychiatres et psychologues des CUMP procurent une contenance initiale aux sujets traumatisés en les assurant - par leur présence - qu'ils sont à l'abri de toute nouvelle agression, et s'efforcent aussi de les aider à contenir les débordements de leur émotion, par l'invite à verbaliser calmement leur vécu[...] "
-- Louis Crocq, au cours d'une correspondance avec moi.

Dans certain cas, s'opère comme un "retour en enfance" : le sujet ne sait plus parler ou marcher. Il a à ré-aprendre, lui dicte la Cellule. Etc. Comme la scène sociale est un échiquier, il est "en marge", n'a plus accès au langage qui est "une structure de sens". Bref, le sujet est proprement déstructuré.


fonction duelle : narcissisante / dé-narcissisante

Au travers du regard traumatisé auquel le clinicien répond, au travers de comptes rendus et de rendus de l'histoire du sujet, etc.

Dé-narcissisante au travers de la forme interrogative toujours maïeutique.

Traiter du pré-natal.


fonction duelle : figurative / clochardisante

Il s'agit d'enrayer le processus chosifiant (clochardisant) du sujet en le tutoyant (souligner qu'il est Tu, une personne, un sujet et non pas un objet).

De même qu'en théologie, la Parole se substitue aux lois, aux démarches et aux programmes, le dialogue (profondément inter-subjectif) se substitue aux démarches et aux programmes psychologiques. On ne saurait définir "la tâche du psy" indépendemment du sujet et de leur dialogue. La grapho-cratie, qui n'a pas de figure humaine mais seulement textuelle, est proscrite.

D'un autre côté, on ne manque pas d'objectiver le sujet, de l'instrumentaliser, de le chosifier dans l'optique de l'étudier.
En outre, il est "object des médias".


Post-Scriptum : traiter le sujet aussi d'un point de vue socio-économique (lineriste, marxiste). Poser de telles questions, "les cellules font du fric ? de qui servent-elles les intérêts financiers, quels agents les demandent et les financent ? dans quelle optique sinon rendre le traumatisé opératif et structuré (ré-insertion) ?" - on prend le sujet au vol avant que ne s'opere l'exclusion


Comme les cellules d'urgence médico-psychologique se présentent comme un entre-deux qui président soit à la ré-insertion soit à l'exclusion, le sujet est inscrit dans un objectif, il est instrumentalisé. Il est le moyen de cet objectif (et la fin de ce moyen ?).

Quid du sujet qui peut se sentir monnayé ?




PISTES DE LECTURES :

Crocq

Brillon

Fenichel

Husserl,
pour la phénoménologie rapportée au champ de la psychologie.

García Linera,
pour ses perspectives socio-économiques et anthropologique. Et son développement du principe des fonctions duelles.

cf. Sociologia de los movimentos sociales en Bolvia.

Marx,
perspective socio-économique et anthropologique.

Xénophon,
pour le concept de grapho-cratie, in La constitution spartiate.

samedi 16 août 2008

Étendue et amplitude de la clinique du trauma

Voici un certain nombre de critères qui définissent l'étendue de la clinique. Certain sont quantifiables et sujets à statistiques, d'autres qualifiables, d'autres inquantifiables et inqualifiables. Un certain nombre de critères ont une teneur sociologique (socio-culturelle, socio-économique, juridique, etc), d'autres ont une teneur sociale/médicale (fonctions médicales, nosographie, etc) :


Critères sociétaux

Les agents socio-économiques avec lesquelles elle est en relation (de financenement), les consignes et objectifs qu'elle suit, sa légitimation morale, sa légitimation économique (quand par exemple les traumatisés sont inopératifs et qu'ils font "perdre" à la société), sa légitimation scientifique, les espaces qu'elles met en place (clinique, cellules, privés).
Ses initiatives, les invitations qu'elle produit, les codes informels qui la légitiment et autour desquels elle gravite, sa production (discursive, picturale, théorique ou idéologique, thérapique ou clinique), les moyens et institutions qui mènent à l'exercice cliniques (études universitaires, stages, etc), les débouchés et l'ouverture à d'autres exercices professionnels, sa propre dimension socio-économique, ses fins morales et socio-économiques (ré-insertion, assistance et suivi, tutelle, etc), ses capacités administravies et organisationnelles. Ses légitimations traditionnelles (mémoire culturelle, répertoire culturel, etc) et nationalo-identitaires. La clinique est aussi une "institution de droit", et le sujet est un "sujet de droit" (mise en place sanitaire, appels, etc).


Critères sociaux (médicaux)

Les types de relation qu'elle entretien (sujet-objet, inter-subjective, etc), son ouverture sur les sujets étrangers et les appareils cliniques et théoriques étrangers, ses capacités auto-reflexives et auto-réformatrices, les fonctions sociétales et psychologiques qu'elle assure, les demandes et situations qui font appel à la clinique (guerres, catastrophes naturelles, accidents, etc), la mise en place et le déploiement des normes d'hygiène et de l'état de bien-être, ses secteurs (public, semi-privé, privé).

L'étude et la clinique du trauma psychique s'étend aux accidents produits sur voies de chemins de fer, aux faits de guerre (dans le cadre de la clinique militaire, cf. Louis CROCQ) aux catastrophes naturelles (en vue d'un "trauma de masse", cf. les cellules d'urgences mise en place en France par le professeur Louis CROCQ), aux événement traumatiques "du quotidien" tels que les viols, les vols à main armés, certains types d'accidents, les mauvais traitement d'enfance et les violences conjugales (dans le cadre de la clinique civile, on s'attache au particulier) et aux accidents qui se produisent au cours de la pratique de sports à hauts risques (grimpe, parachute, formule 1, rallye, etc.).

Problématique sous-jacente : qu'est-ce qui défini la clinique ? Le domaine dans lequel elle relègue l'étude du trauma (militaire, civile), les agents économiques qui en demandent et en financent l'étude (militaire, privés, coorporations, universités publiques), le champ dans lequel s'est produit l'événement (militaire, quotidien, professionnel, sportif), la combinaison des trois (aspect socio-économique) ? -- Et alors qu'est-ce que la clinique sinon un avatar du dialogue entre les structures socio-économique et le traumatisé (inter-subjectiviste) ? Dans ce sens, la clinique assure une fonction duelle (laisser la parole au discours institutionnel et au patient), elle represente une corde tendue entre l'un et l'autre acteur.
J'évoque l'étendue de la clinique dans un ordre chronologique. En effet, l'étude du trauma exigeait la discipline et la re-connaissance compte tenu des conséquences économiques liées aux "accidentés du travail" sur voies de chemin de fer (employés rendu inopératifs et inopérants). A mesure, elle est sortie de son orphelinat. Dans le cadre des accidentés de Formule 1, par exemple, la recherche et la clinique rapportent, elles sont mêmes demandées et financées par un certain nombre d'agents socio-économiques. Même si le trouble de stress post-traumatique demeure relativement méconnu, Il ne s'agit plus d'une "maladie orpheline" proprement dit.

Je note ainsi que l'ordre chronologique répond à l'ordre économique.

Autre problématique sous-jacente : l'analogie entre traumatologie physique et traumatologie psychique. La médecine du corps et sa nosographie présidant à celle psychique (trauma, stress, des termes d'abord adaptés à la mécanique des corps). Il s'agit d'une problématique sous-jacente dans la mesure ou les cliniques médicinales du corps sont un des agents en relation (de demande, de financement, de classification) avec la clinique du trauma psychique.
A la naissance de la clinique, le patient était à la fois l'objet et l'instrument du savoir des psychiatres, disséqué au bistouri de la science. Pris comme mort (et monnayé), semblable aux dépouilles que dissèquent et qu'étiquèttent les légistes. C'est-a-dire que, leur raison étteinte, éstropiés de l'esprit, ils figuraient la "mort clinique de l'esprit". Étrangers à la raison : morts à la raison.

"Il n'y a rien comme un asile d'aliéné pour couver doucement la mort."
-- Les asiles d'aliénés, Antonin Artaud.

Mais à mesure que la clinique formalisait des tableaux nosographiques, elle se transformait en espace de parole, pourtant la relation psy-patient n'était toujours pas inter-subjective. En celà que la nosographie psychiatrique était héritée de celle physique ("stress", "trauma" sont des termes appliqués d'abord à la mécanique des corps) sans que le sujet ne soit écouté. En d'autres termes, c'était devenu l'espace de la parole du clinicien, et le patient, loin d'être déjà un sujet, était encore un objet. L'exércice de la parole des cliniciens était lié à l'exercice du pouvoir.
L'appropriation du patient par la clinique était entière de sorte que le patient ne fut pas l'étranger, l'autre qui échappe mais entièrement compris par la clinique comme un objet d'étude et d'exercice de pouvoir. Dans cette optique, Artaud disait encore "ce sont les médecins qui créent les malades" [1]
A mesure que les tableaux nosographiques exemplifiaient, le caractère inter-subjectif de la relation psy-patient était mis en lumière. Autrement dit, les sujets n'étaient plus tant disséqués morts que vifs. Et il n'a pas fallut attendre longtemps pour que ce vivant crie, et pour que l'espace clinique devienne un espace de double-parole : celle du psychiatre et celle du sujet. Pourtant, du temps de Foucault encore (1984) ces cris étaient ignorés et étouffés par les soignants.
Louis Crocq (1955) parlait, lui, d'une vérité ou d'un message que le sujet traumatisé avait à faire passer[2]. Au regard de ces progressions, ne faudra-t-il pas attendre longtemps avant que la relation psy-patient suive la voie et la voix d'un hassidim qui disait :

"Si tu veux aider quelqu'un, ne prétends pas lui tendre la main d'en haut.
Déscend avec lui à ses côtés, et là, prends-le par le bras
et remonte avec lui en pleine lumière."




NOTES DE PAGE :

[1] : Les asiles d'aliénés, Antonin Artaud.
[2] : Dépassement et assomption du trauma, Louis Crocq.



PISTES DE LECTURES :

García Linera,
pour ses perspectives socio-économiques et anthropologique. Et sa répartition de la scène politique en "acteurs ".

cf. Sociologia de los movimentos sociales en Bolvia.

Debray, pour la médiologie.

Certeau (de), pour la médiologie, les enjeux des structures médiatiques et leur production discursives et perspectivistes.