La société propose un certain nombres de règles, de codes et de lois écrites.
Écrites, elles sont formalisés. On trouve de tels règles dans le code des obligations, le code civile, le Memento, etc. Il s'agit d'un ensemble de
« paramètres explicites » (Chomsky) qui sont appelés à moduler les comportements des acteurs sociétaux, à régir la vie en société. Demeure, en sous-main à ces écrits législatif, un certain nombre de
« paramètres implicites » qui figurent une grille de lecture et sans lesquels il est impossible de comprendre même les lois apparemment clairs. Il s'agit de codes véhiculés par une forme de « tradition orale ». Comme quoi les écrits ne font pas le deuil de l'oralité. L'institution scolaire forme, par exemple, à comprendre le Code des obligations et le Code civile, entendu que sans un certain carcan pratique et idéologique, ces Codes demeurent hors de portée. Cette formation est dispensée oralement.
L'ensemble de ces
« paramètres implicites » figurent déjà une forme de non-écrit dont le savoir et l'usage n'est dispensé que dans les institutions scolaires.Autrement dit, en dessous de ces codes écrits, légitimés, contrôlés et respectés par un certain nombre d'acteurs sociaux, en sous-main, oeuvrent des codes qui, pour leurs parts, ne sont pas formalisés clairement : ils ne sont pas écrits, légitimés, ils ne figurent pas le fondement d'un
« acte de légalité ». Par exemple, le code vestimentaire n'apparaît clairement que dans quelques banques et restaurants chics ou il est écrit
"ne pas entrer en short, merci".
Pourtant, si un acteur social déambule dans la rue costumé en Joker ou en Dandy du 18
ème siècle, la grand-mère dira à son petit-fils
"ne le regarde pas ! ne le regarde pas, c'est un fou" et au mieux, on le croira sorti d'une troupe de théâtre. Ce "pourtant" est important dans la mesure ou il témoigne en faveur de la présence d'un code vestimentaire informel. Ce code est présent dans la société mais on ne le trouve ni dit clairement, ni écrit, il est
enkysté et régit les comportements sociétaux. Il n'est pas dit clairement mais il est respecté, on ne le reconnaît pas comme un code mais on le respecte comme tel.
D'autres exemples en bref : le code du manger (
"hey, on ne mange pas avec les doigts !"), l'ordre du discours (
"ne dis pas ça, c'est vulgaire !"), le code du regard (
"on ne regarde pas comme ça, c'est pervers"), le code gestuel (
"on ne montre pas du doigt, ça ne se fait pas, c'est offensant"), le code de l'humour (
"on ne plaisante pas avec ces choses là !"), etc, etc.
Au regard de la phénoménologie, comme l'homme opère un "retournement" de ces valeurs externes et sociétales dans sa propre conscience, elles sont intériorisée, assimilée, appropriée et partagées par un grand nombre d'individus. Ces valeurs informelles et
enkystées deviennent ses propres valeurs, et tout ce qui tourne autour d'un kyste est sensible, irritable et fragile. Pour ainsi dire, les comportements d'un acteur sociétal sont régis par l'ensemble de ces valeurs informelles injonctives. L'informel est le centre de
gravité ; elles exigent le sérieux et le respect. Le kyste étant sensible, la provocation enflâme l'enthousiaste.
Enfin, les codes informelles ne sont pas proprement inconscients : les acteurs sociétaux en ont une conscience vague, et ils en rendent compte lorsqu'ils ejoignent l'Autre à
"ne pas faire ci, ne pas dire ça car ça ne se dit pas".
Pour être véhiculé et mis à portée du plus grand nombre d'acteurs sociaux, l'informel est constamment formalisé, en réalité. Mais c'est sous une forme orale (cune ommunication indirecte), non-légitimée par les institutions mais pourtant respectées par elles. De ce point de vue, l'informel sociétal est
« ce qui, formulé indirectement et constamment véhiculé sous cette forme lâche, n'est pas légitimé
». Par lâcheté, l'informel a fuit le camp du formel.
L'oralité privée (perspective psychologique)Comme je le disais, la conscience propre est tapissée des objets extérieurs[1]. S'opère comme un retournement du dehors sur le dedans le dedans du sujet, auquel cas l'
informel public devient un
informel privé. Il est approprié, assimilé par le sujet. Mais dans le psychique du sujet comme au sein de la société, il forme un kyste que la provocation irrite et enflâme.
En outre, le sujet est le champ d'éléments informels autres qui n'ont rien en commun avec ces codes moraux latent. Par exemple, il arrive que le sujet oublie le nom d'un auteur dont il avait l'intention de vous parler, il dit
« j'ai un blanc » et se trouve dans l'incapacité de formaliser le nom dont il voulait vous faire part. Des heures plus tard, arrive un moment ou le mot fameux se présente à la mémoire. En somme, les choses se passent comme si un processus de recherche avait continué d'opérer en sous-main, comme pourtant le sujet avait cessé d'y être attentif. Je dis que ce processus balaye et cherche dans le chaos de la conscience, là ou il n'y a pas d'index ; là ou les représentation sont brutes, elles ne sont pas structurée. Il est plus difficile d'y trouver son chemin, difficile de chercher dans un tel fouilli. Cela étant dit
« avoir en mémoire » ne doit pas être identifié à
« avoir en conscience », c'est ainsi que le sujet ne s'en souviens pas, il l'a
« sur le bout de la langue » mais il en a pleinement conscience. Il sait l'avoir en tête.
Qu'est-ce que l'informel ? Si on interroge le sujet, il répond
« c'est un blanc. Oui, c'est quand j'ai un blanc et que je suis incapable de dire ce que j'ai sur la conscience », pourtant, de ce blanc sort quelque chose. A mon sens, il convient donc mieux de parler de chaos, de pelotte de laine enmaîlée. C'est
« un noeud dialectique
» psychique, comme il arrive qu'on ait un noued à l'estomac ou la gorge nouée : on a le psychique noué.
Lorsque le sujet s'approprie un objet, qu'il l'assimile, cet objet est d'abord à l'état brute. Ensuite seulement, le sujet joue avec et l'organise, il l'intègre dans une structure de sens (comme le langage, par exemple). L'événement traumatique, lui, figure un objet que le sujet est incapable d'intégrer sans s'effondrer, sans que sa conscience ne soit dé-structurée. Voilà que le sujet compte intégrer le souvenir de l'événement traumatique dans sa conception du monde et dans son langage (structure de sens), ceux-ci sont incapables de comprendre un tel événement : ils ne le comprennent pas, ils ne servent plus à rien, ils sont
« troués » : l'événement traumatique figure une nourriture que l'organisme est incapable de digérer. L'objet est informel, c'est-à-dire "il n'a pas de forme", il demeure sans visage, impossible à identifier, il n'est même pas représenter sous la forme d'une image clair. Dans cette optique, l'événement traumatique ne veut rien dire, il est insignifiant proprement dit mais il n'en est pas moin significatif.
La clinique invite néanmoins le sujet traumatisé à parler de l'événement traumatique qui l'a fait s'effondrer. Le sujet est invité à formaliser, et par là, il est invité à provoquer le souvenir traumatique enkysté : ouvrir le kyste, se décharger émotionnellement, faire sortir le pu. Ainsi, le clinicien signifie que
« si cela va sans dire, cela ira encore mieux en le disant ».
C'est le premier degré de la conscience, une strate
Les sédiments du langage
La conscience est structurée comme un langage
A l'état brute, matière première, objet approprié mais non traité, tiers-intrusif
Même la peau est un tissu
Les signes sont des formes
Un voile sur la conscience, mais pas de l'inconscient
Le dire, c'est un processus
Le discours comme objet (cf. appropriation, jeu, sadisme et perversité)
Le non-dit comme objet (il est dans le camp de l'érotisme, il amplifie l'ambiance atmosphérique, il est un espace aux questions, aux suppositions, aux jeux et aux devinettes)
Pour en finir avec l'inconscientHistoire de paraphraser Lacan, je dis : la conscience est structurée comme un langage. Plus précisément, elle est structurée comme deux langages. Le langage "formalisable" et l'autre, codé, pour ainsi dire crypté, "informalisables". Le premier est un objet structuré, clair et ordonné, l'autre figure la matière première, à l'état brute.
Le langage est une matièreHenri Poincaré, mathématicien intuitioniste, écrivait :
« Il n'y a pas de problèmes qu'on pose, il n'y a que des problèmes qui se posent ». Pour poser un problème, il faut le formaliser : un problème qui se pose, c'est un problème qui se formalise.
Dans une perspective sociologique, on peut en dire que les espaces sociétaux produisent du discours, régits par un
ordre du discours (Foucault, de Certeau). Pour exemplifier : le langage des bas-fonds n'est pas le même que celui argué par le classe riche ; le discours politique ne comprend pas des mots tels que bite, cul ou poisson pané ; un acteur sociétal n'utilise pas les même mots pour s'adresser à sa famille ou à ses amis ; enfin, l'avant-propos d'un livre comprend souvent un paragraphe "auditoire" dans lequel il dit à qui il s'adresse : un tel auditoire défini le langage dont l'auteur fait usage.
De la même manière, l'événement traumatique appelle la mise en place d'un langage radicalement nouveau. Qu'y a-t-il derrière le langage ? Des problèmes (Lacan). Des
« espaces problématiques » (institutions scolaires, espace de parole politique, etc) poussent à formaliser : il n'y a que des problèmes qui se posent et qui posent, en même temps, un langage dédié à saisir le problème, à l'assimiler, à jouer avec.
Ainsi l'événement traumatique figure-t-il un nouveau référentiel, et alors change-t-il totalement la figure des
« équations langagières ».
LÉGENDES :
[1] : Le non-dit public (perspective sociologique)
PISTES DE LECTURES :
Freud,
Chomsky,
pour l'intuitionisme, et les perspectives sociologiques et médiatiques
Poincaré,
pour l'intuitionisme
Wittgenstein,
pour le nominalisme (formaliste)
Kant,pour le formalisme philosophique
Certeau (de),pour les perspectives sociologiques (= l'institution produit un discours)
Carroll,pour le formalisme
Foucault,pour l'ordre du discours
Kierkegaard,pour l'humoristique et la communication indirecte