L'événement traumatique n'est pas une perte proprement dite, il ne figure pas la castration comme par exemple une perte d'emploi, la perte d'un logement, de sa femme, etc. peuvent la figurer. C'est pour cette raison que la pathologie conséquente n'est pas névrotique proprement dit. Au regard de cette perspective, on comprend que le terme de "névrose traumatique" ait souvent été disqualifié au profit d'un terme non moins adapté : celui de trouble de stress post-traumatique.
Castration et tisserage autour du vide
Mais si l'événement traumatique ne figure pas la castration, il débouche dessus : vécu comme "un trou dans le signifiant" (Barrois) le tissu conscient du sujet est troué. La valeur et le sens de la vie lui font défaut, la structure de sens qu'est le langage devient "hors de portée" parfois jusqu'au stade infantile ou le sujet ne sait plus parler. Il est pour ainsi dire "castré du sens", et, souvent, a lieu ce qu'on qualifie de "second trauma" : le rejet social de la part d'une société qui veut étouffer les cris, ne pas entendre la vérité traumatique, et fait un Dieu du sens et de la Raison (perte d'emploi, du foyer, de son âme soeur, etc). D'une part, la conscience se dé-structure, d'autre part le sujet se sent vide, creux, il "manque à être". Il cherche alors à combler ce vide, par exemple par une boulimie, qu'elle soit alimentaire ou spirituelle. Mais la nourriture, toujours, est expulsée, et le savoir jamais ne tient. La somme avalée est immédiatement engloutie dans l'énigme traumatique, figure du trou noir.
De même, les espaces vides qui sont en résonnance avec son intériorité apparemment précaire lui sont insupportables : il lui faut les meubler. Pour ce faire, le sujet dispose de la parole mais aussi de la marche qui signifie "quelque chose" (cf. l'énonciation piétonnière chez Michel de Certeau) et c'est sans compter qu'il dispose aussi de la fumée et l'odeur. Toutes ces mises en place pour occuper ou meubler l'espace sont signifiantes : elles "parlent", elles énoncent quelque chose. Ce n'est donc pas in-significativement qu'il tente de nourrir l'insatiable espace dans lequel il évolue. De quelque énonciation à laquelle le sujet fait appel, elle est narcissisante : d'abord parce qu'elle est signifiante, le sujet donne du sens et se donne du sens au travers de son énoncé (Tillich) ensuite parce qu'elle est identitaire (une langue, par exemple, participe de l'identité à la fois nationale et individuelle).
Le sujet se sent comme une ombre inconsistante, devenu le noir du trou, elle s'étend au soir avec sa tristesse. C'est une ombre qui dévore tout sur son passage sans pouvoir jamais être un corps, elle en est "castrée", elle manque à être.
Le plat : couvercle au-dessus du vide
Mais si l'intériorité du traumatisé semble précaire, si demeure ce trou dans le signifiant, si le souvenir du trauma ne figure rien d'autre qu'un trou noir, l'ouverture sur un monde et un savoir sur-réalistes ou irrationnel est totale. Ainsi le sujet se dissocie-t-il de la vie et se précipite-t-il dans un répertoire culturel sur-réaliste, fantasmatique ou irrationnel, dans le monde de l'Histoire sans fin, au pays des merveilles ou encore à Nerveland. Et ces "univers parallèles", eux, sont loin d'avoir qualité ou défaut de précarité. En revanche, comme la pipe de Magritte n'est pas une pipe mais une représentation unidimensionnel, le "monde traumatique" n'est pas le monde[...] Le sujet se trouve coincé dans l'ambre d'un instant, dans une dimension uniforme : celle toute-puissante et toute-présente du trauma. Emprisonné dans une représentation plate mais riche et colorée, n'est-il pas le prisonnier d'un tableau (d'un tableau clinique) ? C'est donc avec ce plat qu'on répond au vide, au trou noir. Il est l'instrument qui fait office de couvercle.
A ce stade, le sujet vit sur le monceau terrien flottant de Magritte (Rene).
Il s'agit de la deuxième forme du manque à être : quand par exemple on passe à côté d'un feu rouge tant on était perdu dans "ses pensées" ou dans un autre monde. Certains sujets passent à côté de leur existence la vie durant tout comme on passe à côté d'un feu rouge. Il manque à être.
PISTES DE LECTURES :
Freud,
Certeau (de),
Unamuno,
pour la soif (soif d'immortalité, soif de Dieu, soif de grandeur, soif d'être)
Tillich,
pour le courage d'être, et pour la littérature comme participation aux significations.
répértoire culturel folle
Dali,
pour le surréalism pictural.
Munch,
pour l'angoisse d'un monde liquide et distordu.
Magritte,
pour le surréalism pictural.
Artaud,
pour le surréalisme littéraire.
Carroll,
pour le nominalisme surréaliste.
1 commentaire:
Bonjour,
Ca n'aide pas de lire ce que vous écrivez !
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