samedi 16 août 2008

Étendue et amplitude de la clinique du trauma

Voici un certain nombre de critères qui définissent l'étendue de la clinique. Certain sont quantifiables et sujets à statistiques, d'autres qualifiables, d'autres inquantifiables et inqualifiables. Un certain nombre de critères ont une teneur sociologique (socio-culturelle, socio-économique, juridique, etc), d'autres ont une teneur sociale/médicale (fonctions médicales, nosographie, etc) :


Critères sociétaux

Les agents socio-économiques avec lesquelles elle est en relation (de financenement), les consignes et objectifs qu'elle suit, sa légitimation morale, sa légitimation économique (quand par exemple les traumatisés sont inopératifs et qu'ils font "perdre" à la société), sa légitimation scientifique, les espaces qu'elles met en place (clinique, cellules, privés).
Ses initiatives, les invitations qu'elle produit, les codes informels qui la légitiment et autour desquels elle gravite, sa production (discursive, picturale, théorique ou idéologique, thérapique ou clinique), les moyens et institutions qui mènent à l'exercice cliniques (études universitaires, stages, etc), les débouchés et l'ouverture à d'autres exercices professionnels, sa propre dimension socio-économique, ses fins morales et socio-économiques (ré-insertion, assistance et suivi, tutelle, etc), ses capacités administravies et organisationnelles. Ses légitimations traditionnelles (mémoire culturelle, répertoire culturel, etc) et nationalo-identitaires. La clinique est aussi une "institution de droit", et le sujet est un "sujet de droit" (mise en place sanitaire, appels, etc).


Critères sociaux (médicaux)

Les types de relation qu'elle entretien (sujet-objet, inter-subjective, etc), son ouverture sur les sujets étrangers et les appareils cliniques et théoriques étrangers, ses capacités auto-reflexives et auto-réformatrices, les fonctions sociétales et psychologiques qu'elle assure, les demandes et situations qui font appel à la clinique (guerres, catastrophes naturelles, accidents, etc), la mise en place et le déploiement des normes d'hygiène et de l'état de bien-être, ses secteurs (public, semi-privé, privé).

L'étude et la clinique du trauma psychique s'étend aux accidents produits sur voies de chemins de fer, aux faits de guerre (dans le cadre de la clinique militaire, cf. Louis CROCQ) aux catastrophes naturelles (en vue d'un "trauma de masse", cf. les cellules d'urgences mise en place en France par le professeur Louis CROCQ), aux événement traumatiques "du quotidien" tels que les viols, les vols à main armés, certains types d'accidents, les mauvais traitement d'enfance et les violences conjugales (dans le cadre de la clinique civile, on s'attache au particulier) et aux accidents qui se produisent au cours de la pratique de sports à hauts risques (grimpe, parachute, formule 1, rallye, etc.).

Problématique sous-jacente : qu'est-ce qui défini la clinique ? Le domaine dans lequel elle relègue l'étude du trauma (militaire, civile), les agents économiques qui en demandent et en financent l'étude (militaire, privés, coorporations, universités publiques), le champ dans lequel s'est produit l'événement (militaire, quotidien, professionnel, sportif), la combinaison des trois (aspect socio-économique) ? -- Et alors qu'est-ce que la clinique sinon un avatar du dialogue entre les structures socio-économique et le traumatisé (inter-subjectiviste) ? Dans ce sens, la clinique assure une fonction duelle (laisser la parole au discours institutionnel et au patient), elle represente une corde tendue entre l'un et l'autre acteur.
J'évoque l'étendue de la clinique dans un ordre chronologique. En effet, l'étude du trauma exigeait la discipline et la re-connaissance compte tenu des conséquences économiques liées aux "accidentés du travail" sur voies de chemin de fer (employés rendu inopératifs et inopérants). A mesure, elle est sortie de son orphelinat. Dans le cadre des accidentés de Formule 1, par exemple, la recherche et la clinique rapportent, elles sont mêmes demandées et financées par un certain nombre d'agents socio-économiques. Même si le trouble de stress post-traumatique demeure relativement méconnu, Il ne s'agit plus d'une "maladie orpheline" proprement dit.

Je note ainsi que l'ordre chronologique répond à l'ordre économique.

Autre problématique sous-jacente : l'analogie entre traumatologie physique et traumatologie psychique. La médecine du corps et sa nosographie présidant à celle psychique (trauma, stress, des termes d'abord adaptés à la mécanique des corps). Il s'agit d'une problématique sous-jacente dans la mesure ou les cliniques médicinales du corps sont un des agents en relation (de demande, de financement, de classification) avec la clinique du trauma psychique.
A la naissance de la clinique, le patient était à la fois l'objet et l'instrument du savoir des psychiatres, disséqué au bistouri de la science. Pris comme mort (et monnayé), semblable aux dépouilles que dissèquent et qu'étiquèttent les légistes. C'est-a-dire que, leur raison étteinte, éstropiés de l'esprit, ils figuraient la "mort clinique de l'esprit". Étrangers à la raison : morts à la raison.

"Il n'y a rien comme un asile d'aliéné pour couver doucement la mort."
-- Les asiles d'aliénés, Antonin Artaud.

Mais à mesure que la clinique formalisait des tableaux nosographiques, elle se transformait en espace de parole, pourtant la relation psy-patient n'était toujours pas inter-subjective. En celà que la nosographie psychiatrique était héritée de celle physique ("stress", "trauma" sont des termes appliqués d'abord à la mécanique des corps) sans que le sujet ne soit écouté. En d'autres termes, c'était devenu l'espace de la parole du clinicien, et le patient, loin d'être déjà un sujet, était encore un objet. L'exércice de la parole des cliniciens était lié à l'exercice du pouvoir.
L'appropriation du patient par la clinique était entière de sorte que le patient ne fut pas l'étranger, l'autre qui échappe mais entièrement compris par la clinique comme un objet d'étude et d'exercice de pouvoir. Dans cette optique, Artaud disait encore "ce sont les médecins qui créent les malades" [1]
A mesure que les tableaux nosographiques exemplifiaient, le caractère inter-subjectif de la relation psy-patient était mis en lumière. Autrement dit, les sujets n'étaient plus tant disséqués morts que vifs. Et il n'a pas fallut attendre longtemps pour que ce vivant crie, et pour que l'espace clinique devienne un espace de double-parole : celle du psychiatre et celle du sujet. Pourtant, du temps de Foucault encore (1984) ces cris étaient ignorés et étouffés par les soignants.
Louis Crocq (1955) parlait, lui, d'une vérité ou d'un message que le sujet traumatisé avait à faire passer[2]. Au regard de ces progressions, ne faudra-t-il pas attendre longtemps avant que la relation psy-patient suive la voie et la voix d'un hassidim qui disait :

"Si tu veux aider quelqu'un, ne prétends pas lui tendre la main d'en haut.
Déscend avec lui à ses côtés, et là, prends-le par le bras
et remonte avec lui en pleine lumière."




NOTES DE PAGE :

[1] : Les asiles d'aliénés, Antonin Artaud.
[2] : Dépassement et assomption du trauma, Louis Crocq.



PISTES DE LECTURES :

García Linera,
pour ses perspectives socio-économiques et anthropologique. Et sa répartition de la scène politique en "acteurs ".

cf. Sociologia de los movimentos sociales en Bolvia.

Debray, pour la médiologie.

Certeau (de), pour la médiologie, les enjeux des structures médiatiques et leur production discursives et perspectivistes.

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